Discours de Mme Patricia Feuillet Galabert
Quatre vingt ans se sont écoulés. Ce matin du 6 août 44, notre village est nappé d’une épaisse couche de brouillard. Mais il n’est pas à l’abri des exactions qui déchirent et endeuillent les terres de résistance.
Le vent a tourné, la résistance s’est fédérée. L’ennemi, harcelé, voit se lever les forces de la liberté et nos villages de campagne vont basculer dans des actions sanglantes. Viella, Bernède, Barcelonne, Maulichère, Estang, des bourgades marquées du sceau de la terreur et de l’ignoble, et tant d’autres dans une France qui retrouve sa fierté.
Ce matin du 6 août, les troupes d’occupation fondent sur l’hôtel Lafontan, cible principale, et vont dans un déchainement de violence glisser vers la tragédie. L’occupant va faire prisonnier Henri Thiebaud, Marthe Lafontan, Jean Laborde, et d’autres personnes l’hôtel va être pillé et détruit à l’explosif.
Les allemands vont rassembler tous les suspects au lieu dit « la jalousie » pour les conduire à Mont de Marsan puis au fort du Hâ à Bordeaux d’où ils furent libérés le 28 août.
Henri Thiébaud, résistant landais âgé de 42 ans est interrogé, torturé, et contraint de conduire les soldats nazis jusqu’au bois de bascaules où se trouve le maquis.
Les maquisards y sont présents depuis quelques jours ; ils pourront s’en échapper grâce à la célérité et au courage de villageois les avertissant du danger.
Aux alentours du bois, Pierre Farines, âgé de 22 ans, est capturé par les allemands alors qu’il était en mission de ravitaillement pour deux camarades qui montaient la garde. Jean Labastie, âgé de 32 ans, est arrêté à son tour par un barrage allemand alors qu’il tentait de gagner le village alerter Henri Thiébaud à l’hôtel Lafontan. Les trois hommes sont regroupés, ils sont fusillés dans le bois de bascaules et leurs derniers instants hantent nos souvenirs.
Les communes du Houga et de Toujouse sont à jamais liées par ce malheur. Aussi, avec Jacques Tartas, Maire de Toujouse, nous avons voulu avec la création d’un parcours de mémoire, inauguré en 2016 par Mme la ministre Najat Vallaud Belkacem, écrire leur histoire pour la transmettre aux générations futures.
Emprunter ce parcours, y lire leurs noms sur les pupitres, prononcer leurs noms chaque 6 août, constitue une mémoire vivante source de réflexion et nous laisse à jamais sensible à toute les injustices.
Chaque année nous accueillons Jacques LABASTIE fils de Jean, Fabrice et Ambre.
Ce moment est pour nous tous un moment d’émotion, de recueillement. Un moment de questionnement aussi. Qu’est ce qui pousse les peuples à toujours s’enfoncer dans les ténèbres ? Comment la nature humaine baignée par les valeurs du christianisme, de l’humanisme à travers les siècles peut se laisser emporter par des flots de haine ?
Ces hommes tombés dans le bois de bascaules comme leurs frères d’armes des maquis ont donné leur joie de vivre, leurs avenirs à leur pays. Leur cher pays.
Ils nous obligent à plus d’unité, à plus de concorde, à plus d’altérité. A moins de naïveté et de complaisance. Aussi dans une Europe en proie au doute, usée par le retour des nationalismes, UN DEVOIR DE VIGILANCE S’IMPOSE A NOUS tous.
Pour ces hommes, le courage était un état d’esprit, un élan du cœur, une forme de générosité naturelle. Un engagement à la vie pour la liberté.
« Je suis né pour te connaître, pour te nommer, liberté » écrivit Paul Eluard dans un poème qui devint une ode à la résistance, imprimé et parachuté sur les maquis.
Dans le cœur de Pierre Farines, Henri Thiébaud et Jean Labastie était écrit LIBERTÉ.