Discours de Mme Patricia Feuillet Galabert
A deux pas de notre monument aux morts, se trouve notre école communale. Nous y avons appris, entre autre, à réciter ce poème, tableau vivant, malheureusement toujours d’actualité.
C’est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons d’argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Nous étions en 1870. Depuis l’écriture de ce poème par Arthur Rimbaud alors âgé de 16 ans, la folie des humains n’a pas cessé de s’exprimer dans des conflits de plus en plus meurtriers, 1870 entrainant 1914 1918 entrainant 1939 1945, rancœur , haine ne s’effaçant jamais, entretenant le terreau des extrêmes.
Celui dont nous commémorons l’armistice ce 8 Mai, a fait entre 50 et 60 millions de morts soit :
– 22 millions de militaires.
– 31 millions de civils. Notre mémoire collective porte le deuil de ces victimes de la pensée fasciste.
Nous devons penser à tous ces innocents qui ont payé un lourd tribut à la folie des hommes, rappeler l'horreur des camps de concentration et d'extermination, pensés et organisés par les Nazis qui s'étaient assignés comme mission de détruire toute dignité humaine, et d'amener à la mort, de manière industrielle, des millions de personnes… des personnes qui avaient le tort, selon eux, d'être juifs, tziganes, homosexuels, opposants politiques de toute sensibilité, ou encore handicapés.
Nous pourrions considérer que la démocratie est en elle-même le rempart contre toutes les dérives xénophobes, racistes ou antisémites. Ce serait oublier la première leçon que nous devons retenir de la barbarie nazie. En effet, et il faut le dire et le redire, le parti nazi est arrivé au pouvoir en Allemagne de manière démocratique. La banalisation, dans le discours politique des idées xénophobes et racistes, est un danger qu’il ne faut pas sous estimer.
Aussi, riches de nos convictions républicaines, défenseur de notre république sociale inventée dans l’unité par le conseil national de la résistance, nous pouvons affirmer que le 8 Mai, devient, et chaque année davantage, le moment de rappeler ces valeurs d’humanité, de tolérance, de respect et de dignité qui doivent être transmises de génération en génération.
Aujourd’hui, la guerre en Ukraine, l’instabilité économique accentuée par l’élection américaine devraient nous conduire à nous ressaisir autour de ces valeurs portées par la jeunesse des maquis. Quand la démocratie s’efface ce sont les classes populaires, les chercheurs, les scientifiques qui portent le fardeau en premier.
Aujourd’hui, le droit international est bafoué, les frontières de pays souverains sont remises en question laissant la place à la loi du plus fort.
Demain 9 mai se commémore la journée de l’Europe. Une Europe rongée par la montée des populismes. “Le patriotisme, c'est aimer son pays. Le nationalisme, c'est détester celui des autres avait dit le Général De Gaulle.
Les bâtisseurs européens avaient un rêve, celui de rapprocher les hommes afin d’enraciner durablement la paix sur notre continent .Souhaitons que ce rêve, par trop d’attentisme, d’immobilisme, de naïveté, ne devienne pas une vaine espérance. Le temps presse.